Du tempo…

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(situation : répétition, genre chanson ou assimilé, le chanteur est mécontent, il a mal dormit)
Dialogue :
– {le chanteur} c’est trop vite, non ?
– {le batteur} je sais pas trop…
– c’est quoi le tempo du disque ?
– heu…. Attends… [bip bip bip…]..Je vérifie ça…. On a enregistré à 108bpm
– et là, on est où ?
– heu…. Attends…. [bip bip bip]… Dans les 114bpm !!!
– waouhh, tu m’étonnes !
– en même temps, ça fait 2 ans qu’on le joue plus vite sur scène que sur le disque, en plus c’est toi qui le « compte », donc, heu…
– on peut essayer au click ? Au tempo du disque ?
– oui oui !
[….zing boum boum zing boum, taka tchick, rataboum, lalala…. La musique, quoi !]
(au milieu du morceaux)
– attends, c’est super lent, c’est impossible, et puis ça ralenti…
– heu, non, c’est pas possible, j’ai le click dans l’oreille… Si tu veux on essaie a 110bpm
– ok
[je met 111 voire 112bpm….rataboum rataboum, tadikinatom tadikinatom…]
– ha voila, là c’est parfait !
– bon, ça veux dire que tu veux que j’ai le métronome sur scène pour jouer ce morceaux au click ?
– non non, juste partir sur le bon tempo, et puis après on joue quoi !
– bon, d’accord !

La répé se termine. A la suite de la répé, je ne peux m’empêcher de montrer mes notes sur ce morceaux, avec les indications de tempo notées au cours des répétitions de l’année passée : 104, 112, 116, 111, 108, 110, 109!!!, 107…. TOUTES BARREES ! Et de mettre l’accent sur la nouvelle information sur ma note : 111bpm, et surtout sur le fait que ce chiffre avait déjà fait l’objet d’une discussion suite a laquelle, on avait décidé de partir sur un autre tempo… Et de continuer la lancée en insistant sur le fait que c’est le chanteur qui « compte » le morceaux, sans métronome, et que donc… tout ça n’est qu’une espèce de perte de temps généralisée qui ne peux que nuire a la musique (et à l’emploi du temps général de chacun…donc à son équilibre mental !)

Arrive le concert suivant… Arrive ce morceau, je dégaine mon fidèle compagnon de route, le métronome (je dois avouer, avantageusement supplanté par un iPhone avec l’application Tempo…), et c’est parti pour un petit 111bpm, je garde le click pendant les 8 ou 16 premières mesures pour m’assurer de ma stabilité sur ce tempo (mais je sens déjà que cela ne marchera pas… mes collègues musiciens n’ayant que faire du click que j’ai dans l’oreille, ils sont partis comme un seul homme loin devant – je lutte…)… Je coupe le click, en essayant de garder en tête le tempo ordonné lors de la dernière répétition (bon batteur, bon soldat !)… Puis arrive ce que je pensais depuis le début, tout le groupe me signifie par des gestes très clair que c’est beaucoup trop lent !!!
Il n’y a malheureusement pas eu de suspense dans cette histoire, c’est la même depuis bientôt mes 20 années de bon et loyaux services ! Je vous passe la fin du morceaux, un carnage, je m’en tiens à mes 111 trop lent, tout le monde lutte, j’ai la tête dure, c’est moi le plus con. Ce jour là, l’interprétation de ce morceau fut à jeter, pas de recyclage, du vrai déchet, les dieux de la musique seraient atterrés s’ils n’étaient pas déjà en train de se bourrer la gueule à la buvette !

Fin du morceau, je barre l’indication 111bpm pour la remplacer par un point d’interrogation…

Mon analyse (à moi) :
Je trouve deux thèmes importants dans cet exemple. Le premier, c’est qu’il faut comprendre que la perception d’un tempo est relative, pas propre à chacun, mais plutôt relative au moment, à l’état de fatigue ou de stress. Voici une idée des variables à prendre en compte : le repos, le stress, l’excitation, le son, le tempo du ou des morceaux précédent, le tempo de la version originale, l’arrangement lui même qui peut avoir été mal pensé, la mise en place générale du groupe…
Ce dernier point est primordial : Imaginons un duo piano-guitare ou le pianiste joue très devant et le guitariste très derrière… Deux auditeurs (pipo et bimbo par exemple) pourraient avoir deux analyses différentes :
– auditeur Pipo : wouah, trop nul ce guitariste, il joue super derrière, il ralenti !
– auditeur Bimbo : le pianiste, il cours ! Il accélère !
Il se trouve que ce phénomène est également lié à l’élasticité du tempo de chacun, dans notre exemple, n’étant pas des machines, il est fort probable que l’un des deux musiciens cède du terrain à l’autre, ici la monnaie d’échange est le BPM !
La perception du tempo est aussi très liée à la perception du placement…
Il y a ici un choix a faire, et donc deux situations possible pour la scène :
– on prends le risque de jouer AVEC notre ressenti du moment, et d’être en phase avec la musique que l’on va jouer. Les tempos rapides du set seront plus rapides certains soirs, les tempos lents seront variables également (oui, notez que j’utilise tempos et non tempi pour le pluriel, car les italiens disent tempi, les français disent tempos, c’est comme ça !). Mais la chose la plus importante c’est de savoir que l’on se place dans une exécution relative au moment, et que certains soirs, on prendra des risques difficiles à assumer ! C’est la vie !
– le deuxième choix possible est de fliquer, ou de « cliquer » tout ce petit monde. Batteur click a l’oreille, tempos définis avec soin et au calme, et c’est parti ! Le risque qu’on prend ici (et je le connais par cœur), c’est que la chanteuse trouve 92bpm super lent le lundi, et le même 92bpm « super trop gavé » rapide le mardi… Et c’est même valable pour sois-même ! Sensation garantie ! On peut donc passer la soirée à se dire que aucun tempo n’est bon, mais l’écoute de l’enregistrement live vous convainc du contraire ! Moins agréable donc, mais plus enregistrable…. A la condition de lire mon second point !

Le second point est celui ci : on ne peut jouer au « click » qu’avec des musiciens qui sont rompus à l’exercice ! C’est très vite l’enfer pour celui qui a le métronome dans les oreilles… Ça ne peut tout simplement pas marcher. Mon conseil à ce sujet est simple : refuser catégoriquement ! (bien sur tout peut se discuter, mais le refus catégorique est une excellente base de négociation…).

Bien entendu, ces questions ne se sont posées à moi que dans des contextes musicaux de chanson, pop, ou soul… Jamais (ou rarement, mais c’est toujours très très très mauvais signe) en Jazz.

Amis batteurs, soyez attentifs a ces questions, faites vous entendre et respecter, faites profil bas quand effectivement le problème vient de VOUS (nous sommes aussi sujet au stress, a l’excitation, au manque de concentration, a l’envie de jouer ce morceaux la un peu plus vite que la raison, c’est pas grave, mais il faut savoir détecter d’où vient le problème).
Amis non batteurs, faites vos jeux, sachez qu’il y a deux mondes possibles, forcement, celui qui est plus propre est moins rigolo !

Be tight, be right !

Une réflexion au sujet de « Du tempo… »

  1. Petite édition de ce post (qui m’a montré une fois de plus que j’étais lu, ça fait plizir !) :
    POUR CEUX QUI ME CONNAISSENT, NE CHERCHEZ PAS A TOUT PRIX A METTRE DES NOMS SUR MON HISTOIRE ! C’est de la fiction, ou plutôt, c’est une histoire tellement vraie, que ce serai réducteur de mettre un seul nom sur les acteurs…
    Et vous, amis musiciens, n’allez pas penser que le chanteur de mon histoire n’a jamais pris la forme d’un pianiste, d’un saxophoniste, d’un guitariste, d’une chanteuse, etc…
    En tout cas, merci pour vos commentaires !

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